Gui (vase rituel)
Chine - Fin de la Dynastie Shang (XIe siècle av. J.-C.).
Bronze
16 x 25 cm (Diam.)
Don Morrazani 1986
Inv. 986.9.144
Le rudimentaire et l’usuel
La Chine est une civilisation qui a su conserver des éléments symboliques et cultuels du néolithique (6000 - 1700 av. J.-C.). Le dragon, la croyance aux esprits, l’importance des forces de la nature, sont autant de croyances chinoises qui renvoient à leur création et aux rites associés durant la période du néolithique chinois.
Sous les Shang, entre 1650 et 1066 avant Jésus-Christ, puis sous la période suivante des Zhou (1046 à 771 av. J.-C.), un système étatique complexe, organisé en clans, est mis en place. Son assise politique repose sur des rituels en lien avec les défunts, de facto les ancêtres et leur vie dans le monde céleste.
Les rituels les plus importants reposaient sur l’utilisation de vases rituels en bronze. Deux catégories de vases étaient nécessaires à ce rituel pour présenter les offrandes aux ancêtres : le gu, pour l’alcool et les boissons fermentées et le gui, pour les grains.
Ces deux types de vases par leur forme respective étaient usuels. Chaque forme était adaptée à leur contenu, au type d’offrande. Le gu est une coupe longue, il contenait un liquide; le gui est un gros bol sur pied pour pouvoir contenir des céréales.
Un décor complexe
Le gui de la collection toulonnaise a les caractéristiques des pièces de cette dynastie : il est lourd, compact et repose de façon équilibré sur un pied haut, circulaire mais évasé à sa base.
Le récipient a des lignes arrondies quasi-parfaites, il comprend une lèvre saillante et bien marquée sur sa partie supérieure.
Le décor recouvre la totalité de l’objet par une multiplicité des symboles et de formes. Cependant, trois parties sont toutefois identifiables.
On distingue (1) sur le pied une frise de dragons kui (kui long dragon archaïque), désigné ainsi en raison de son traitement esthétique et formelle en volute. Le corps du récipient comprend un motif de pointes « en hérisson » (2) incroyable par sa géométrie et sa complexité technique. Les pointes sont saillantes et arrondies et elles sont parfaitement agencées au sein d’un losange incisé, losange formant un maillage équilibré et parfait.
Entre le motif en hérisson et la lèvre supérieure, une bande de motif (3) vient sublimer la forme et équilibrer la répartition des trois parties décorées.
Le taotie
Cette dernière frise comprend une nouvelle fois des dragons kui, mais chacun des dragons est séparé par un symbole représenté en relief, placé à la jonction des quatre parties du moule. Le motif représente un animal légendaire chinois le Taotie (4), qui peut être apparenté au dragon ou au tigre. On peut traduire ce terme par glouton.
Pour les bronzes de cette époque, les décors sont complexes les formes amples et très grandes. L’usage de moules et la maîtrise de la technique à cire perdue ou à fonte directe différencient la Chine des pratiques du Moyen-Orient qui se limitaient généralement à celle de martelage de plaque de métal sur cette même période historique.
La piété filiale
Cet objet rituel permettait de communiquer avec les ancêtres afin de leur rendre hommage en offrant des denrées, peut être nécessaire à leur vie dans le monde céleste. Ce rituel inscrivait les Chinois dans une temporalité, une continuité et une histoire commune à la fois publique (le clan) et privé (famille). Les vivants permettaient ainsi une survie de leurs ancêtres, la plus longue possible, par le souvenir réactivé et manifesté par ce partage, cette offrande
Ce vase et son offrande sont donc les vecteurs symboliques de ce lien entre le monde terrestre et le monde céleste.
Cette pratique sera reprise au VIe siècle avant Jésus-Christ par Confucius, il la fait évoluer en lui ajoutant un cadre éthique et en le définissant en un concept philosophique : la piété filiale. Cette piété est pour le philosophe antique chinois la base d’une société juste et respectueuse. C’est une des vertus clés de la société chinoise depuis Confucius. Une vertu certes aux origines rudimentaires mais qui reste totalement usuelle dans la pratique pour les Chinois du XXIe siècle.
Ainsi, le culte aux ancêtres est immémorial, il est encore pratiqué de nos jours. Ce culte a traversé les époques et a été intégré à l’ensemble des pratiques religieuses (taoïsme, bouddhisme, musulmane) et politiques (confucianistes, marxistes, «maoïstes») chinoises mais également au Japon et en Asie du Sud-Est.
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