Lao-Tseu sur son buffle
Brûle-parfum
Cuivre doré
Chine
Dynastie Qing (1644 à 1912)
Legs Fauverge de French
Inv. : 961.3.207 (1 et 2)
Un brûle parfum
Cet objet en cuivre est en deux parties, le buffle et le philosophe. Lao Tseu est posé sur le buffle qui est partiellement creux.
Le personnage tient par le biais d'une attache (clou) permettant de le maintenir sur l'animal. Dans le dos de Lao Tseu, une partie a été évidée. En forme de nuage d'immortalité, ce trou permet à la fumée de l'encens ou du parfum d'être évacuée.
On imagine dès lors un Lao Tseu et son
buffle, entourée de volutes de fumée parfumée, ajoutant à l'objet une valeur
esthétique à celle de sa fonction utilitaire et protectrice.
Cet objet était certainement en possession d'un lettré taoïste attaché à l'origine de cette pensée si importante pour la pensée classique chinoise.
Buffle – niu
Souvent utilisé chez les peintres et les lettrés chinois, il exprime la bonté, la tolérance, le calme, la force paisible. Par superstition, les statuettes en bronze représentant le buffle étaient censées protéger des inondations et des effondrements, ainsi les Chinois pouvaient les sceller aux ponts ou dans les digues.
Il est la monture de Lao Tseu fuyant sur son dos la corruption du royaume Zhou.
En lien avec le développement de la religion taoïste, il est parfois, en lieu et place du cerf, la monture du dieu de la longévité Shouxinglao.
Le vieux Maître à la recherche de la Voie et de la Vertu.
Lao Tseu, qui signifie le Vieux
Maître ou le Viel enfant, est un personnage énigmatique de la culture antique
chinoise et plus généralement de l’Extreme-Orient.
Peu de faits vérifiés et donc
historiques se rapportent à Lao Tseu. Il aurait eu pour nom de famille Li et
pour prénom Tan (oreille) ou Eul (grande oreille).
Lao-Tseu serait né dans la
province actuelle du Henan dans un petit village nommé Lou-Yi. Après des études brillantes, il serait devenu
archiviste et annaliste à la cour des rois Zhou au VIe siècle avant notre ère
et aurait donc été contemporain de
Confucius.
Sse-ma Tsi’en, l’un des premiers
historiens chinois, lui consacre pourtant une biographie aux environs de 100
avant l’ère chrétienne. L’historien précisa que cette biographie se fondait sur
la tradition, source qu’il désignait lui-même comme peu crédible et incertaine.
La Voie et la Vertu
La tradition attribue à Lao Tseu,
le Tao te king, le livre de la Voie et de la Vertu.
Elle précise que, Lao-Tseu décida
de partir de la Chine à dos de buffle, arrivée à la Terrasse du Belvédère, à
proximité de Si’an, il fut arrêté par Yin Si un gardien de la passe, ce dernier
le supplia de lui divulguer son enseignement. Lao Tseu lui dicta un texte
comprenant plus de 5000 caractères, rédigé aujourd’hui en quatre-vingt-une
sections.
Le texte est divisé en deux
parties, un premier livre traitant de la Voie (Tao) de la section 1 à 37 puis
un second consacré à la Vertu (Te), de 38 à 81. Le terme king peut se traduire
par livre sacré.
L’édition la plus ancienne a été
découverte en 1973 dans trois tombes datées de
Un ouvrage commenté
Il demeure l’un des ouvrage
chinois le plus commenté avec plus de 200 commentaires existent de ce texte.
Ils sont de natures philosophiques et politiques sous les Tang l’empereur
Xuanzong puis sous les Song l’empereur
Zhensong.
Des ouvrages religieux comme celui de Su Dongpo, lettrés du XI
siècle tente même un rapprochement avec le bouddhisme. Mais ces commentaires
peuvent également intègre des éléments magique ou merveilleux, ils prennent
alors la forme de manuels de recettes de longévité et de vie harmonieuse.
Du personnage mythologique à la
divinité populaire.
Une fois son enseignement dicté,
la tradition précise que Lao Tseu disparaît vers les contrées occidentales.
Plusieurs mythes lui sont dès lors associés, celui de Lao Tseu parti enseigné
et cultivé les barbares ou encore que Boudhha était en vérité Lao-tseu. Ce
personnage devint rapidement un personnage de légende. Mais son évolution la
plus importante est visible à la fin du IIe siècle en devenant le Très Haut Seigneur Lao, soit
une divinité primordiale dans le cadre de la religion populaire chinoise.
Religion
C’est autour de ce personnage
devenu divin que se constitue la religion taoïste au début de l’ère chrétienne.
A cette même époque le Tao te King devient un texte canonique et de référence
pour les lettrés.
Taoïsme et confucianisme.
Deux noms symbolisent la
philosophie chinoise : Confucius et Lao-tseu, ils auraient vécu à la même
époque dans la même contrée mais leurs enseignements sont très différents. La
doctrine de Confucius est accessible à tous, elle est positive et elle a constitué
pendant vingt-siècles un cadre social et politique à l‘Empire du milieu. A
l’inverse, la doctrine de Lao-tseu est pleine de mysticisme, d’obscurité, elle
est appréciée des lettrés et des esprits cultivés. Le taoïsme c’est également
dissoute dans la culture populaire, perdant son statut de philosophe pour celle
de religion populaire, avec ses histoires fantastiques et ces divinités aux
pouvoirs magiques.
L’occident et le taoïsme
philosophique
La Voie et la Vertu est l’un des
ouvrages chinois le plus traduit en occident. Introduit par les missionnaires
jésuites de retour en Europe au début du XVIIIe siècle après avoir été envoyé
par Louis XIV. Les traductions se comptent par centaines, en latin, en
allemand, en anglais et en français. Il continue d’être traduit et donc
commenté, chaque traducteur désirant se rapprocher de l’essence mystique de
cette pensée, de cette sagesse antique et chinoise si attractive mais complexe
En France, l’un des premiers
traducteurs fut au XVIIIe siècle le Père Amiot, qui intégra des éléments de
théologie chrétienne à sa traduction. Pour exemple, il identifia
Pour Abel Rémusat vers 1830 les
trois syllabes I, Hei, Wei sont
assimilées à Jehova. Par ces deux exemples, on remarque que les difficultés de
traduction sont avant tout liées à la culture et au système
d’interprétation de ces deux auteurs plus qu’à la langue et au sujet de
l’ouvrage. La traduction devient dès lors une affaire de choix, l’objectif est
alors d’éviter que la traduction devienne une trahison.
Le texte sera traduit par
Stanislas Julien également en 1830.
Grand sinologue, sa traduction repose sur une étude philologique minutieuse et
sur la consultation de nombreux commentaires
chinois. Ouvrage complet, Julien introduit, note et commente son Tao avec
clarté. Elle demeure encore aujourd’hui une référence et demeure supérieure à
certaine traductions récentes.
Une traduction marque un tournant
philosophique et linguistique, celle publiée par Albert de Pouvourville en
1894, sous le nom de plume de Matgioi.
La prétention de justesse de sa
traduction se retrouve directement dans le sous-titre de son ouvrage
« Le tao de Laotseu, traduction exacte ». Cependant il fait remarquer
que la traduction de Stanislas Julien demeure correcte et qualifie le traducteur
« d’érudit et d’élégant ».
Cependant, il justifie sa
traduction dès son introduction dans ces termes : « Avoir habité dans
le pays ou le tao a été écrit, où son esprit s’enseigne, où ses préceptes se
pratiquent, est la seule excuse que l’on puisse présenter à une nouvelle
traduction du Tao de Laotseu. C’est la mienne».
Il conclue cette même introduction
par une mise en garde qui montrent toutes les difficultés à traduire ce texte
en français sans le dénaturer « (…)
j’ose présenter ici cette très fidèle traduction du Tao, que mes lecteurs
français trouveront peut-être inutile et obscure, mais qu’à coup sûr mes
Maîtres Chinois ne désavoueraient point.»
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