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Masques et esprits

 

Masques et esprits

L’œuvre de Miyazaki  renvoie sans cesse à la notion d’identité, ses héros, qui sont souvent des héroïnes,  sont en constante recherche personnelle (âge, position sociale, relations humaines) dans un monde japonais, réel et/ou imaginaire, aux multiples références mythologiques et religieuses.

Le voyage de Chihiro apporte plusieurs clés d’initiation ou de compréhension à la culture shinto japonaise. Cependant les références à la culture occidentale fantastique sont également facilement reconnaissables. La multiplication des tunnels, ponts et rivières comme lieu de passage entre les deux mondes, renvoie forcément aux cycles des Alice de Lewis Carroll ou au Magicien d’Oz.  Le choix d’une héroïne(Chihiro), le personnage de la sorcière ou bien la fonction magique de l’alimentation appuient cette interprétation.

Mais avant tout ce voyage est japonais, il se fait du monde réel à celui des kami (Dieux) et des yokai (Esprits).

Galerie impressionnante de créatures traditionnelles japonaises, ce film d’animation est basé sur un constat unique et japonais : les dieux  et les esprits n’ont pas de visage ni d’entité physique, mais ils peuvent se rendre visibles et tangibles en devenant des objets, des animaux ou des êtres humains. 

L’identité la plus marquante de cette famille est, pour Le Voyage de Chihiro, Kaonashi,  le Sans visage, ombre corporelle noire et masque blanc.



Miyazaki réinterroge la tradition, ce personnage est une réinterprétation moderne des masques papiers portés lors des rituels shintoïste et en particulier au sanctuaire de Kasuga-taisha à Nara. Ces masques sont portés lors d’une une danse rituelle traditionnelle nommée Ama qui existe depuis le XIIe siècle. Ces Kasuga-Sama ces dieux japonais semblables à des ombres  sont également présents dans le long métrage, on les voit former un long cortège dans l’un des couloirs des thermes ou travaille Chihiro.

Le masque est aussi un élément traditionnel des formes théâtrales japonaises, l’origine du masque au Japon remonte au VIIe siècle, ils auraient été importés de l’Asie Continentale et en particulier de la Corée. Il porte le terme de kamen, il était utilisé pour des rituels et des danses.

Au XIVe siècle, il devient un élément primordial au théâtre pour le kyogen on recense un corpus de 50 masques et on en décompte 250 pour le théâtre nô.

Nous trouvons également le shintoïsme comme fil conducteur et de compréhension dans la majorité des productions du studio Ghibli, citons pour exemple Pompoko d’Isao Takahata, qui est centré sur une catégorie de yokai, les Tanuki. L’une des scènes de ce dessin-animé renvoie même aux traditionnels rouleaux représentant depuis le XIIe siècle, les Cortèges des cents démons, les e-maki yokai.

La représentation des yokai se développa durant la période edo (1603-1868) et intégra durablement les récits et devient un sujet populaire de l’estampe (ukiyo-e). Hokusai,  Hiroshige ou Kiesai furent les honorables prédécesseurs de Miyazaki, ce dernier continue à l’image de nombreux mangaka (Shigeru Mizuki et son Dictionnaire des yokai) de perpétuer un corpus de récits et de représentations shintoïstes, anciens et donc japonais.



Par les dessins de William Bruet,  les costumes et les masques de Corinne Ruiz, la création Miwa et son exposition réinterrogent ces représentations japonaises : kami, yokai, figures, esprits… monstres et compagnies.

Ces masques dessinés puis créés « en dimension » peuvent renvoyer à la peinture japonaise sumi-e. L’artiste de sumi-e ne peint pas en noire, il sculpte les blancs de sa feuille. Le blanc et le noir sont ainsi des matières modulables et plastiques, comme les esprits et démons de Miwa ou de Miyazaki, le blanc et le noir prennent forme(s). Portés par les danseurs de la Ridz Compagnie, ils prennent vie et sont habités comme des kami et des yokai.

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