Panchika
et Hariti
Gandhara (Pakistan)
Période Kushana, iième-iiième siècle après
J.-C.
Schiste
Legs Fauverge de French
MAA de Toulon (Inv. 961.3.380)
Contexte
Ce relief du musée des arts asiatiques de Toulon représente Panchika et Hariti, un couple de divinités bouddhiques secondaires associées à l’abondance, la richesse et la fécondité. Il a été sculpté au iième-iiième siècles de notre ère et venait surement décorer un monument bouddhique dans l’antique région du Gandhara (Pakistan et Afghanistan actuels).
À l’époque ce territoire était en lien direct avec les routes caravanières qui reliaient le bassin méditerranéen, la Chine et l’Inde. Ce commerce rendait la région très prospère et cosmopolite. Le Gandhara faisait alors partie du vaste empire Kushana qui couvrait tout le nord du sous-continent indien et dans lequel le bouddhisme était florissant.
Les
codes de l’art bouddhique étaient encore en formation à l’époque et deux écoles
de sculpture existaient dans l’empire : l’une à Mathura dans le nord-est
de l’Inde, l’autre au Gandhara. Chacune a proposé une esthétique différente
pour représenter les figures bouddhiques. Les sculpteurs gandhariens ont su se
nourrir du riche fond multiculturel de leur région pour proposer une
iconographie bouddhique originale.
Description
On peut reconnaitre les différentes inspirations des sculpteurs en observant de plus près le relief de Panchika et Hariti du musée de Toulon. Ces dieux bouddhiques, assis côte à côte et auréolés, n’arborent pas de costumes indiens mais des tuniques dont les plis, révélant le corps, font plutôt penser à des sculptures grecques.
Les bottes de Panchika, quant à elles, rappellent le costume des cavaliers nomades d’Asie centrale. Panchika, en tant que général guerrier, tient une lance mais aussi une bourse car il est le dieu des richesses. Hariti, déesse de la fécondité, devait porter dans sa main gauche, brisée malheureusement, une corne d’abondance. Cet attribut est lui aussi hérité du fond de culture grecque passé par l’Iran, alors qu’il était inconnu en Inde. On ressent donc dans cette œuvre tout le cosmopolitisme du Gandhara et la forte inspiration grecque qui marque les premiers pas de la sculpture bouddhique dans la région.
La culture grecque était présente depuis des siècles au Gandhara puisqu’en 327 avant J.-C. Alexandre le Grand avait envahi la région et que des royaumes grecques s’étaient installés à sa suite. Ces derniers avaient été balayés par les invasions des Scythes, des Parthes puis des Kushana. Ces invasions successives et le commerce actif dans la région ont brassé les populations et les cultures.
Cela explique toutes les influences
artistiques, notamment grecques, qui se retrouvent sur le relief de Panchika et
Hariti, et aussi dans les premières représentations du Bouddha sous des traits
humains qui apparaissent au Gandhara à la même époque.
Le bouddhisme : intégration et diversité
Cette œuvre montre aussi la capacité du bouddhisme à intégrer dans son panthéon des divinités issues d’autres religions en les soumettant au Bouddha. A l’origine, Panchika et Hariti sont des yaksha (yakshini au féminin), des génies de la nature et de la fertilité, issus de cultes indiens antérieurs au bouddhisme. Comme beaucoup d’autres dieux du folklore indien, ils ont été intégrés au bouddhisme quand celui-ci est apparu. Ils sont alors devenus, dieu des richesses pour Panchika, et déesse de la fécondité pour Hariti.
Le bouddhisme dès son apparition en Inde à intégrer des dieux issus de cultes populaires afin de se diffuser plus aisément. La légende raconte que Hariti était une ogresse qui mangeait des enfants avant que le Bouddha ne la convertisse en lui rappelant l’amour qu’elle portait à ses propres enfants. Pour se racheter, elle se serait alors engager à protéger tous les enfants et à en donner à ceux qui n’en avaient pas.
Le bouddhisme après avoir intégré ces divinités à son panthéon a d’ailleurs diffusé à son tour leur culte dans toute l’Asie en passant par le Gandhara. Hariti a ainsi rencontré un grand succès en tant que protectrice des enfants sous les traits de Guizi mu en Chine ou de Kishimo-jin au Japon, où elle est devenue aussi une protectrice de la secte Nichiren du bouddhisme japonais. Au fil de la diffusion de son culte en Asie, elle a par contre perdu son pouvoir de donner des enfants dont a hérité Guanyin, divinité bouddhique particulièrement populaire en Chine.
Nathan Friess - étudiant à l'Ecole du Louvre
Commentaires
Enregistrer un commentaire