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L'arbre, de Totoro à la Sylve de Miwa



Les apparences sont souvent trompeuses ou en tout cas limite l’interprétation du symbole. Pour l’œuvre de Hayao Miyazaki, cette remarque s’avère généralement vérifiée.

Les créatures imaginaires qui vivent dans ces longs métrages,  peuvent être présentées comme des monstres ou des animaux fantastiques, en apparence seulement.  Ces êtres, souvent complexes et porteurs d’émotions fortes, sont en lien directe avec la spiritualité japonaise, les légendes shintoïstes  et les traditions graphiques de l’archipel.

Ainsi Totoro, par son aspect, ressemble à un « gros nounours » bienveillant envers Mei et Satsuki les deux héroïnes du film d’animation Mon Voisin Totoro (1988). Elles sont les seules à les voir et à interagir avec eux, privilège de la jeunesse et de son insouciance.

Totoro et ses compagnons vivent dans la forêt qui jouxte la maison des fillettes. Ils habitent un camphrier géant qui est entouré par une corde. Traditionnellement tressée en paille de riz, cette corde est une shimenawa, elle indique que le lieu est consacré.

Elle délimite donc une aire de pureté, elle est l’élément primordial  pour identifier les sanctuaires shinto au Japon. Cette corde nous indique donc que ce camphrier géant est un sanctuaire où résident un ou des kami. Totoro et ses deux compagnons sont donc des divinités sylvestres et traditionnelles pour les Japonais.

De l’arbre à la forêt, il y a une multitude, une densité, un couvert…. L’œuvre de Miyazaki est marqué par une poésie constante, la forêt est peuplée d’esprits, de forces d’un souffle constant de vie. C’est une véritable sylve.

Terme suranné, oublié,  sylve nous renvoie à une temporalité différée liée à son étymologie latine (silva) et à sa variante hellénique (sylva / selve). Plus « mythos » que « logos », la sylve mythologique symboliquement s’oppose à la forêt et son exploitation raisonnée.

En Asie, la sylve est un élément important, elle est liée aux mythes, aux épopées et aux récits hagiographiques : c’est la forêt de Dandaka qui est un élément central de l’épopée de Rama (Ramayana), lieu de l’exil princier puis de l’enlèvement de la princesse Sita. Siddhartha Gautama atteint l’éveil sous l’arbre de la Bodhi à Bodhgaya, Shennong découvre le thé en se reposant sous un arbre.

Mais plus que jamais, en Chine l’arbre est représenté depuis plus d’un millénaire par les peintres pour transcrire leurs états d’âme sous une forme codée et poétique ou de résistance philosophique.

Pour Miwa, la sylve est plus qu’un décor, c’est le lieu du récit où agissent et s’expriment les personnages de la création chorégraphique de Simonne Rizzo chorégraphe de la Ridz compagnie.

La sylve dessinée par William Bruet exprime cette mystérieuse densité, la variété des essences et des formes des végétaux. Cette sylve imaginaire et fantastique propose un reflet et une réinterprétation des forêts de Miyazaki et en particulier celle présente dans le film d’animation Princesse Mononoké (1997).

La « Sylve» de l’exposition Miwa, l’envers du décor, figée par le dessin, animée par un dispositif multimédia et sonore de Michael Varlet et William Bruet, est la demeure des esprits et des forces naturelles. A tout moment elle peut prendre vie par un mouvement de branche, un craquement, le passage furtif d’un animal ou l’apparition translucide d’un esprit. En tant que spectateur ou visiteur nous attendons, nous espérons ces présences, ces sons, ces ressentis.

Dans Miwa, la Sylve est donc vivante, elle est le témoin, l’intermédiaire et le lieu de vie des personnages, des divinités et des esprits. Elle est humanisée avec constance sans être divinisée.

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