Manjughosa (Manjushri) assis sur son lion
Bronze, Chine
XIXe siècle
Legs Fauverge de French
961.3.221
Présentation
Cette figurine chinoise, en bronze partiellement dorée, est un un objet bouddhiste. Il représente un bodhisattva assis sur un animal fantastique.
Il porte en Chine le nom de Manjughosa, qui se traduit par l’expression « à la voix suave ».
En sanskrit, il se nomme Manjushri, qui signifie une « douce belle majesté ». Le terme sanskrit, comme pour l’ensemble des bodhisattva et des arhat est largement utilisé en Asie, il demeure pour les traditions bouddhistes le terme historique.
Sa désignation en Monju par les Japonais est d’ailleurs une abréviation et une traduction partielle de Manjushri.
Ici, la représentation équilibrée et fine de Manjushri renvoie à l'appellation chinoise du Manjushri Wen-shu, Manjushri le juvénile, le prince éternellement jeune. Il possède plusieurs signes distinctifs des Bodhisattva : la couleur or de la peau (visage), les yeux baissés et entrouverts pour signaler l'état méditatif, les longues oreilles et le concernant la coiffe aux Cinq bouddha de sagesse.
Dharma et Khaga
Deux attributs permettent de l'identifier en tant que Manjushri.
1- Le Dharma
Au dessus de son épaule gauche, difficilement identifiable, on distingue un forme rectangulaire, qui ressemble à un livre et qui est couché sur son dos. Ce livre a pour socle une fleur de lotus
C’est l’un des trois éléments sacrés du bouddhiste, le dharma, l’enseignement de Bouddha, la loi bouddhique. Manjushri peut également tenir dans sa main gauche un rouleau pour signaler ce premier attribut.
Manjushri est ainsi un des garants de la persistance de l’enseignement bouddhiste. Sa désignation chinoise, Manjughosa, l’identifie d’ailleurs en tant que disciple « à la voix suave ».
Il ce rajoute à ce symbole la présence du chien de fô (shishi), qui s’oppose mais surtout complète la portée de l’enseignement de Manjushri et du Bouddha. La puissance du rugissement du shishi est synonyme d’invincibilité du dharma et du message de bouddha.
Cet élément symbolise également chez les bouddhistes tibétains le concept de sagesse transcendantale, le prajnaparamita.
2- L'epée
La poignée et la garde d’une épée sont présentées au dessus de son épaule droite.
La forme de la poignée est singulière, c’est une flamme. La garde de l’épée semble avoir la forme d'une fleur de lotus, mais on peut également proposer que l’épée émane de cette fleur.
Les représentations graphiques de cette divinité la montre très souvent en train de brandir cette épée entourée de flammes.
Manjushri possède donc une épée de feu qui porte le nom de khaga qui est le symbole de sa lutte contre les démons. Elle peut également prendre le nom de chiken, soit le glaive de sapience, elle établit ainsi sa fonction de symbole de la sagesse et de la connaissance. Les démons symbolisent l’ignorance ; l’épée, à l’opposée, est donc l’arme de l’intelligence et de la connaissance. Son courroux est avant tout symbolique, sa colère divine ne s’exprime que par l’enseignement de la loi et l’utilisation de sa voix suave.
Les mudra - position des mains.
La main gauche est levée, elle est positionnée au niveau du coeur. Le pouce est tendu, l’index est légèrement replié. Ils se touchent afin de former un cercle. Les autres doigts sont également légèrement repliés afin de prolonger ce cercle en forme de tube.
Manjushri réalise ici le vitarka mudra, le mudra de l’explication du dharma. Il mène le débat et argumente en faveur de l’enseignement du Bouddha. Ce geste vient accompagner l’attribut posé sur son épaule.
Manjushri est bien un détendeur du dharma et à ce titre l’un de ses « enseignants ». La tradition japonaise précise que face du grand dialecticien et bodhisattva laïc Yuimagyo et à sa doctrine complexe, Manjushri fut le seul à faire face, à tenir le débat.
A l'intérieur de sa paume, il y a un élément cassé qui ressemble à la base d’une tige de fleur. Cette tige devait sortir par le tube formé par les doigts repliés, traditionnellement cette tige est celle d'une fleur de lotus, que Manjushri tient dans sa main gauche.
La main droite se trouve sous le giron, elle est à plat, la paume tournée vers le ciel. Les doigts sont tendus, sauf l’annulaire est replié vers la paume. Le majeur est partiellement manquant, toutefois on peut en supposer qu’il était dans la même position que le majeur.
Le geste effectué serait le tarjani mudra, connu sous le nom de Karana mudra dans les traditions hindoues. Ce geste signifie le combat contre les démons, il sert à détourner les êtres humains des mauvais enseignements.
Ce geste vient compléter l’image d’un bodhisattva combattant l’ignorance en détruisant les démons, déjà identifié par l’épée de Manjushri.
Les mudras viennent donc compléter et appuyer les fonctions de ce bodhisattva.
Manjushri et Avalokiteshvara
Comme Bouddha et les bodhisattva, il a atteint ce stade de conscience et de dignité grâce à la perfection de ses mérites antérieurs.
Il a de nombreux points communs avec l’un des bodhisattva sacrés, Avalokitéshvara, également présent dans nos collections
Notice Avalokitéshvara :
https://maatoulon.blogspot.com/2020/05/avalokiteshvara.html
Des écoles de pensée bouddhistes présentent une filiation directe entre ces deux bodhisattva. La tradition hindoue le rapproche également de Brahma dont il serait lié soit en tant qu’émanation (avatar) ou en l’identifiant à son accompagnateur Pancasikha, le génie musicien céleste à la coiffure « aux cinq touffes ».
Ces deux bodhisattva peuvent prendre des formes très semblables et représentent le dharma et la grande compassion. Ils forment, chez les Tibétains en compagnie de Vajrapana, l'une des triades les plus importantes des déités bouddhiques.
Manjushri est considéré en Inde et en Extrême-Orient comme une représentation de la sagesse et de l'enseignement bouddhiste soit une incarnation du dharma. Il se trouverait dans le Paradis de l'est selon le Sutra du Lotus.
Manjushri et le massif du Wutaishan.
En Chine, Manjushri est considéré comme la divinité tutélaire du Saint-Mont des Cinq Terrasses (Wutaishan) dans la province actuelle du Shanxi. Le mont du Wutai est l'une des quatre montagnes sacrées bouddhiques chinoises.
De l’Inde au Japon, les lieux privilégiés de résidence des divinités ou autres immortels ont très souvent pour cadre des massifs ou chaînes de montagne à cinq pics.
Manjushri reste associé au chiffre cinq, la coiffe aux cinq bouddha, la chaine de montagne aux cinq terrasses et il serait en possession d’une formule sanskrit constitué des cinq lettres initiales.
Le massif du Wutai-Shan abrite un second mont sacré le Hengshan et de nombreux temples et monastères bouddhiques à la fois chinois et tibétains.
Historiquement, les bouddhistes tibétains ont un attachement particulier et donc spirituel à ce bodhisattva. Pour preuve, en janvier 2020, Tenzin Gyatso, l'actuel Dalaï Lama, concluait un cycle d'enseignement qui portait le nom de Manjushri Cycle of Teachings (Cycle d'enseignements Manjushri).
Le massif du Wutaishan est considéré comme un lieu de pèlerinage bouddhiste aussi bien prisé par les Chinois que les Japonais.
Le classique de la littérature chinoise, Chouei-hou tchouan, Au bord de l’eau, fait de cette chaîne le lieu du récit de Lu Da, le Bonze tatoué dit Sagesse profonde (chapitre IV et V). Ce récit se déroule en parti dans un monastère consacré à Manjushri.
Mais cette région est aussi le lieu de naissance de deux immortels taoïstes présents dans nos collections : Lu Dongbin et Zhang Gulao.
Mais pour découvrir ces personnages, le MAA vous donne RDV sur ce même blog la semaine prochaine.
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